Comment réussir une transition de dirigeant·e ?
- Barbara Boye
- 30 avr.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 mai
On a encore appris des choses lors nos rendez-vous matinaux favoris : les petits déjeuners thématiques ⚓
En compagnie de :
Aurélie Jourdon (Co-Fondatrice d'Omeva) qui accompagne le recrutement de dirigeant·es dans les organisations de la transition
Joséphine Bouchez (Co-Fondatrice et DG de Ticket for Change) qui a pu expérimenter différents rôles au sein de sa structure et l’a vue évoluer
Sébastien Kfoury (Associé de Sillages) qui a pu accompagner et vivre différentes transitions organisationnelles
Entre partages d’expériences et confessions (que nous garderons pour nous) de ces trois intervenant·e·s comme de participant·e·s, voici ce que nous retenons de ce doux moment face à une question épineuse : comment préparer son départ ou changement de rôle au sein d'une organisation ?
Chapitre 1 : Conscientiser
Comment savoir que c’est le bon moment pour partir ?
👉 Se relier à la mission du projet, conseille Aurélie
“ça nous donne des garde-fous. En tant que dirigeante je sers la mission de ce projet. Sinon, il faut requestionner l’adéquation entre le rôle et les appétences, ou envisager que ce soit la fin d’un cycle…”
👉 S’écouter plutôt que d’attendre le “parfait moment pour partir”
“Il n’y a pas de bon moment ni de mauvais moment, juste un moment où ça vient. Mieux vaut s’écouter soi-même pour partir quand il est temps.”
Et comment assumer son nouveau rôle ?
👉 Prendre en compte la notion d’héritage quand on succède à un·e dirigeant·e/fondateur·ice, préconise Joséphine
“assumer que ça va être différent, que sans trahir le projet je vais écrire une nouvelle phase de l’histoire”.
Une conscientisation également nécessaire du côté de la personne qui quitte le projet…
Chapitre 2 : Gérer la transition
Qui doit organiser cette transition ?
Dans les associations, il s’agit souvent de la gouvernance statutaire. Mais cela dépend aussi de la maturité et du niveau d’implication du Conseil d’administration : est-il actif ? Intégré ? En lien avec le reste de l’équipe ?
C’est plus compliqué quand le ou la dirigeant·e organise la transition elle-même. Cela peut l’empêcher de faire son propre processus. D’autant que cette phase de transition vient “travailler” les individus et le collectif, qui ont donc besoin de soutien et d’outils pour la vivre sereinement.
👉 Demander de l’aide, pour soi et le collectif
Au-delà de l’implication du CA, les participant·es du petit-déjeuner recommandaient des coaching individuels ou des accompagnement collectifs pour traverser les différentes étapes et être au clair sur ce qui se joue et sur ce que l’on attend.
“On s’est fait accompagner dans cette phase de transition, parce qu’il y a un tas de peurs, d’émotions qui naissent de ces situations, qu’on a du mal à comprendre.”
“On a privilégié le coaching à 2 (et des sessions collectives internes qui en découlaient) et la clef a été pour nous de décider où mettre la transparence. Et dans nos accompagnements on encourage les candidat·e·s à challenger ces questions dans les entretiens avec le ou la DG sortant·e, l’équipe, le CA… Creuser la situation actuelle, l’ambition, la manière dont on va y arriver.”
Tout cela prend du temps, et nécessite d’accepter une part d’inconfort !
“Comment cette transition est perçue ? Que permet-elle en interne ? En externe ? Comment la mission influence le choix ?”
“C’est un processus, et si on ne respecte pas le temps de faire les choses, c’est douloureux. La clarification nécessaire pose des questions profondes, qui ne sont pas confortables.”
💡 Avec le recul, Joséphine, dont la phase de transition (passation) a duré 6 mois se dit qu’il aurait été vraiment riche de faire un état des lieux des forces mais aussi des faiblesses et talons d’Achille de l’organisation, et de le faire avec le dirigeant sortant.
“Pour que chacun·e prenne sa responsabilité là-dedans et fasse le constat de ce qui est génial ET difficile dans l’organisation.”
➡️ Les conseils de Sillages
Anticipation et préparation
Créer des espaces de résonance individuels et collectifs Organiser des bilans et des espaces de réflexion pour :
1/ identifier les signaux indiquant qu’une transition est nécessaire (évolution de l’organisation, départ, besoin de nouvelles compétences)
2/ comprendre les enjeux et les besoins spécifiques de la transition.
Structurer le processus avec une feuille de route claire et un calendrier réaliste.
Un temps de transition adapté et progressif
Ne pas précipiter le changement : une transition réussie prend du temps.
Prévoir une période de passation entre l’ancienne et la nouvelle gouvernance pour faciliter l’appropriation.
Laisser de la place à l’expérimentation et aux ajustements
Chapitre 3 : prendre soin des besoins respectifs
👉 Prendre soin du départ…
De tous les points à anticiper, il y en a un qui peut passer à la trappe lorsque le ou la dirigeant·e gère la transition : célébrer son départ ! Car même si elle ne le conscientise ou ne le verbalise pas forcément, le ou la dirigeant·e·s sortant·e a un besoin de reconnaissance.
“C’est hyper important de considérer aussi l’avenir de la personne qui part. Quand c’est un·e confondateur·rice, on se dit “iel va vers un autre projet”, personne ne lui organise un pot de départ… Alors que c’est essentiel d’avoir des rites pour traverser ces changements.” rappelle Aurélie.
“Et que la personne qui arrive puisse reconnaitre aussi tout ce qui a été fait d’incroyable avant son arrivée !” souligne Joséphine
👉 …et de l’arrivée de la nouvelle personne !
Pas facile d’enfiler un costume taillé sur-mesure par les année autour d’une autre personnalité ! Le ou la dirigeant·e entrant·e·s a donc souvent un besoin de légitimité.
“Dire devant tout le monde “je te fais confiance, tu as les clefs, on t’a choisie, tu sauras faire”, c’est essentiel.”
👉 Se retirer un peu, beaucoup, pas du tout ? 🥀 Mais clairement
Les dirigeant·e·s sortant·e·s, surtout quand iels avaient fondé le projet, sont souvent tenté·e·s de garder une place, un autre rôle dans le projet. Une place du CA (de la présidence au membre d’honneur sans voix en passant par le rôle d’administrateur·ice parmi d’autres), un rôle de sparring partner, une présence aux événements… Certains statuts vont jusqu’à leur réserver une place à vie.
Vaut-il mieux rester impliqué·e ou “couper le cordon” ?
Pourquoi vouloir rester quand on part ?
Il nous semble important de réaliser que les ancien·ne·s dirigeant·e·s, à plus forte raison fondateur·ice·s, gardent un poids particulier dans les décisions quand iels continuent à y participer, quelle que soit la gouvernance statutaire.
On conseille donc de le nommer, d’en tenir compte dans les processus décisionnels, de vérifier le pouvoir réel par rapport aux rôles supposés et de réfléchir sincèrement à comment laisser la place.
“surtout quand la personne qui part avait beaucoup d’écho, de rayonnement, de poids, d’historique, c’est crucial d’expliciter le rôle du sortant. Besoin de confiance aux arrivant·e·s. On peut même sans garder des rôles statutaires garder une influence, une ombre pas ajustée, et ça plombe les décisions collectives parce que sur le papier c’est une voix parmi et comme les autres, mais insidieusement c’est beaucoup plus.”
Il s’agit donc toujours de poser les différents rôles repris, de structurer le collectif, les rituels, la prise de décision.
“Et de se laisser le temps de tester cette gouvernance collective, de savoir en amont qui et quand va faire le bilan de la gouvernance partagée, de ce qui aura marché ou pas…” conclut Joséphine.
Comments